Sillon, 1er album disponible
Il y a des chansons, parfois, qui évoquent des paysages. Des clairières ensoleillées ou de sombres sous-bois, des monts escarpés ou des vallées verdoyantes. Celles d'AuDen font irrésistiblement penser à des horizons marins. Après tout, la mer et l'amour, c'est pareil : mêmes flux et reflux, mêmes vagues déchaînées, mêmes ressacs et remous. Des sentiments tempêtueux qu'AuDen (traduction poétique de son prénom Adrien en gaëlique) connaît bien, puisqu'il est né sous les cieux bretons, il y a un quart de siècle. Et que ses chansons, qu'il dévoile dans un premier album, reflètent avec une maîtrise déjà digne des meilleurs navigateurs de la rime lyrique et des harmonies aventureuses. Un album intitulé "Sillon", comme la plage malouine d'où l'on peut voir le tombeau de Chateaubriand et deviner les côtes anglaises. "Sillon" aussi, comme celui que l'on creuse au rythme du temps qui passe. Un album qui fleure bon les grands espaces et le grand large, et embrasse ce vertigineux désir d'évasion qui anime son auteur.
Originaire de Dinan, AuDen a débuté la guitare par hasard, sur un instrument à deux cordes prêté par un copain. A l'adolescence, c'est d’abord vers l'électro qu'il se tourne, jusqu'à ce que la découverte de la planète folk lui donne envie de se remettre à la guitare…cette fois à six cordes. Pas question de faire des reprises, ce sont ses propres chansons qu'il veut écrire et interpréter, encouragé par l'admiration qu'il porte à l'époque à certains textes de Damien Saez, de Bertrand Belin ou du rappeur Rocé.
En janvier 2010, Il fait ses premier pas sur scène en première partie de Tété puis de Mike Ibrahim. Tout va alors très vite, quelques maquettes atterrissent sur le bureau de Jean-Louis Brossard (programmateur des Transmusicales) et, deux mois après, le voilà programmé aux festival des Transmusicales de Rennes. Il est remarqué par un grand éditeur et rencontre celui qui va devenir son réalisateur et ami : Olivier Coursier, l'âme musicale du duo Aaron. Ensemble, dans le huis clos d'un studio parisien, ils vont élaborer ce qui deviendra peu à peu le premier album d'AuDen, dont le mixage final a été concocté par Antoine Gaillet (Julien Doré, Herman Düne, Elephanz).
Un album aux titres aériens, nappés de réverbérations songeuses, de cordes organiques et d'enluminures électroniques, comme un post folk à la fois hardiment contemporain et classiquement intemporel. Le tout zébré de textes intrigants, à la poésie singulière scandée d'une voix à la douceur résolue. A l'image d'"Azur Ether", sorte d'introspection hallucinogène au rythme cardiologique, "circuits en panique, impulsions électriques, et cœur à contre temps". Ou de "Les Amours Mortes", l'un des temps forts du disque, complainte en équilibre sur les sables mouvants du sentiment amoureux, qui rappelle "La noyée" d'un certain Gainsbourg. L'amour encore, avec "Pour Mieux S'unir", à la fois hymne tendre et constat sans amertume, premier single illustré d'un magnifique clip vidéo qu'on croirait tout droit sorti d'une vieille légende bretonne. Amour toujours, avec "Le Large", émouvante ballade dépouillée, ornée d'une guitare acoustique, ou "Tes Détresses", supplique à une muse silencieuse, murée entre spleen et part d'ombre.
"La mélancolie, c'est le bonheur d'être triste" disait Victor Hugo. Une formule qu'AuDen a délibérément fait sienne, tout en évitant le danger de l'auto-apitoiement nombriliste. Comme il dit, "Ces sentiments, j'avais besoin de les partager, de m'adresser à quelqu'un. C'est pour cela que dans la plupart des chansons, je n'utilise que la 2ème ou 3ème personne du singulier. Ainsi, "Aller Sans Retour", au thème universel qui exprime cette furieuse envie de vivre au présent sans penser au lendemain, "Ici Ou Là", ou comment tenir debout dans ce monde tout azimut, "Douces vapeurs", errances nocturnes entre oubli et ivresse, ou "Etourdi", autre sommet de l'album, fiévreuse symphonie atmosphérique et rêverie nostalgique de l'enfance.
Dans "Les Printemps", clin d'œil fédérateur aux révolutions récentes, printemps arabes ou printemps d'érable, la rime rythmée pose la question cruciale : " mais où cela peut-il bien mener ?" Sans doute au "Bout du Tout", en quête d'un repère "entre silence et décibels", d'un terminus qui permettra de repartir de plus belle… dans un autre rêve, une autre vie. Enfin, "Et Tu Danses", moment d’apesanteur onirique, résume à elle seule l'ambiance de l'album : comme un bruit de vagues résonnant à l'infini.
Il y a des chansons, disait-on, qui évoquent des paysages. Celles d'AuDen, intenses et ardentes, devraient trouver sans peine leur place, dans un univers qui réunirait aussi bien Bashung que Christophe, le gwerz breton que le folk de Bon Iver. Une place à prendre, une place à part.