Originaire de Sarcelles, Stomy Bugsy est né Gilles Duarte le 21 mai 1972. Pas très à l'aise au sein de l'institution scolaire, il déserte vite le lycée pour lui préférer l'école de la rue ainsi que la boxe, sport dans lequel s'est illustré Mohammed Ali, l'une de ses idoles.
Très vite rattrapé par l'esprit de la contre-culture urbaine, il adhère rapidement aux codes et attitudes du mouvement hip-hop : tags, graffitis, breakdance, freestyle aux côtés, notamment, de deux de ses amis d'enfance, Passi Ballende et Bruno Beausir, surnommé Doc Gynéco du fait de son tempérament dragueur. À l'instar de la Force, la rue a aussi ses côtés obscurs et, de petits trafics en combines diverses, Stomy Bugsy (qui se fait alors appeler Stomy B.) se retrouve quelques mois en prison pour revente de drogue en 1987. Une première expérience qui ne va pas adoucir son opinion contre l'autorité, la police et la France en général.Membre fondateur du collectif Ministère A.M.E.R aux côtés de Passi, Kenzy, DJ Guelch et Doc Gynéco à la fin des années 1980, Stomy B. troque son pseudo en Stomy Bugsy, faisant ainsi référence à Bugsy Siegel, l'un des gros bonnets de la pègre américaine, connu pour son ultra violence et décédé en 1947. Dès lors, le Ministère A.M.E.R va se faire connaître comme l'un des groupes de rap les plus durs et hardcore de sa génération, aux paroles revanchardes, violentes et agressives. Traîtres, le premier maxi du collectif sort en 1991, mais c'est surtout Pourquoi Tant de Haine ?, sorti l'année suivante, qui provoque le scandale, notamment pour le titre « Brigitte, femme de flic » qui suscite la colère du Ministre de l'Intérieur de l'époque, Charles Pasqua, qui porte plainte contre le groupe. Une plainte qui, cependant, n'aboutira pas.
L'album 95200 (du nom du code postal de Sarcelles), qui sort en 1994 s'avère encore plus virulent et constitue le premier album de Gangsta Rap made in France. Tous les clichés du genre y sont (à l'exception, notable, du sexisme) : apologie de la délinquance, haine de l'institution policière, appel au meurtre des Blancs et vantardise sexuelle. NTM et Assassin jusqu'alors considérés comme des groupes hardcore, sont enfoncés en terme de violence verbale. Le morceau « Sacrifice de poulet », l'un des titres composés pour la B.O. du film La Haine de Mathieu Kassovitz, vaut au groupe plusieurs démêlés avec la justice et les albums du groupe sont même menacés d'être retirés de la vente. L'affaire, remontant jusqu'à l'Assemblée Nationale, offre au Ministère A.M.E.R une audience inespérée.
Mais, à l'instar de son ami Gynéco qui vient de sortir son propre album en solo, Stomy envisage de voler de ses propres ailes. Le Prince des Lascars, premier maxi six titres précède de peu Le Calibre Qu'il Te Faut qui sort en 1996. En dépit de poses à la one again dans le style Gangsta et de paroles crues et violentes, Stomy Bugsy s'est bien assagi depuis l'époque du Ministère A.M.E.R et cultive davantage une image de séducteur viril que de truand. L'album cartonne grâce au tube « Mon papa à moi est un gangster », mais le public qui achète l'opus est en majorité composé d'adolescents des classes moyennes et Stomy Bugsy, de rappeur hardcore et marginal au sein du Ministère A.M.E.R, devient un produit de consommation courante, aseptisé comme il faut, juste assez violent pour pouvoir se payer le luxe d'une étiquette de « bad boy ».
On le voit dans un petit rôle dans le très démago Ma 6-T va crack-er de Jean-François Richet, film pour lequel il compose un titre de la bande son. En 1998, Quelques Balles de + ... Pour Le Calibre Qu'il Te Faut est un remix de son précédent album solo, pour lequel il s'entoure de ce qui se fait de mieux dans le mouvement rap pour constituer quelques featurings intéressants. Akhénaton, d'IAM, Pit Baccardi ou ses collègues du Secteur Ä, comme Doc Gynéco, Nèg'Marrons ou Ärsenik viennent prêter leurs voix aux réorchestrations des morceaux de cet album qui se veut plus dur que le précédent. Devenu désormais « le gangster d'amour » ou le « show lapin », Stomy Bugsy évolue dans un registre proche de Snoop Dogg, celui du ténébreux séducteur classieux.
En 2000, Trop Jeune Pour Mourir voit Stomy Bugsy entamer une collaboration avec Jacques Dutronc, attitude pas si atypique que ça pour un rappeur qui cherche à diversifier son répertoire et à séduire un public issu des classes moyennes et peu attiré par le hip-hop (Gynéco, lui-même, travaille avec Laurent Voulzy et Julien Clerc de son côté). S'il continue à figurer sur quelques opus du Secteur Ä et des rappeurs gravitant autour, c'est en solo qui entame le nouveau millénaire, à la fois dans les studios d'enregistrement et devant la caméra pour les besoins de quelques films dont Les Jolies choses, navet auteurisant de Gilles Paquet-Brenner, Le Boulet, d'Alain Berbérian ou encore 3 zéros de Fabien Onteniente. S'il peut se montrer un second rôle conséquent et plutôt efficace lorsqu'il n'est pas suremployé, son talent d'acteur est plus discutable dès lors qu'il tient la vedette de grosses productions comme Gomez et Tavarès de Paquet-Brenner car son jeu est assez limité et sa tendance au marmonnement vite crispante.Cependant, cette omniprésence lui vaut une large reconnaissance et désormais, Stomy Bugsy alterne indifféremment sorties d'albums et tournages, de la même manière de que les anciens Gangsta rappeurs américains devenus acteurs comme Coolio ou Ice T. Après le décevant Trop Jeune Pour Mourir en 2000, Bugsy revient en pleine forme trois ans plus tard avec 4e Round, album dit « de la maturité » selon l'expression consacrée, dans lequel le rappeur sort du carcan hip-hop en mêlant guitares et accordéons aux habituels samplings. Désormais parfaitement installé dans le show-business français, Stomy Bugsy prend son rythme de croisière et ne participe quasiment jamais aux différents « clash » qui animent la scène française, à la différence de Booba, Sinik ou MC Jean Gab'1. D'ailleurs, il n'est lui-même quasiment jamais pris pour cible. Respect dû à un ancien du Ministère A.M.E R ou aveu que le chanteur n'est plus vraiment un rappeur stricto sensu ? La question reste posée.
Engagé de manière posée, Stomy Bugsy prend fait et cause pour certaines grandes causes, et notamment celle des luttes de la communauté noire, en France et à l'étranger. Se revendiquant de l'héritage de Patrice Lumumba ou d'Amilcar Cabra, il prend violemment à partie le Président Denis Sassou N'Guesso lors d'un concert au Congo-Brazzaville et, en France, apporte son soutien aux collectifs de sans-papiers. Cet engagement, associé aux paroles de certains des anciens morceaux du Ministère A.M.E.R lui valent une accusation de racisme, prononcée à son encontre par le journaliste et polémiste Eric Zemmour. Néanmoins, cette affirmation de sa négritude ainsi que sa conversion à l'islam rapprochent Stomy Bugsy de ses racines cap-verdiennes, qu'il retranscrit musicalement dans Nos Probéza Ké Nos Rikéza, un album collectif avec d'autres rappeurs de la même origine que lui (dont Jacky Brown des Nèg'Marrons) sur lequel il peut chanter le « pays natal » en 2006.
Mais l'année suivante, finie la nostalgie. Stomy reprend son patronyme de « Bugzy » (avec z, comme aux premiers temps du Ministère) pour un album authentiquement hardcore, Rimes Passionnelles. Et s'il ressort les flingues en musique, il le fait aussi à l'écran en endossant pour la deuxième fois son rôle de flic incorruptible dans Gomez Vs. Tavarès. Un rôle de policier auquel il semble habitué puisque l'année précédente, la série télévisée Anna Meyer, assistante de choc le voyait déjà incarner à l'écran un lieutenant de police. C'est d'ailleurs son activité d'acteur qui l'occupe le plus à l'orée des années 2010 puisqu'il faut attendre 2015 pour que Stomy Bugsy revienne au rap avec Royalties.